En quelques jours, deux nouvelles vidéos de femmes battues et dénudées en pleine rue par des épouses flouées ont été postées sur les réseaux sociaux.
Les images sont choquantes, et le scénario presque toujours identique : une jeune femme jetée à terre, ses habits arrachés, frappée durant de longues minutes. Les agresseurs sont toujours des femmes, et les passants observent la scène sans intervenir, filmant ou prenant des photos qu’ils postent sur les réseaux sociaux.
Vendredi dernier, une femme se recroqueville sur le goudron, pendant qu’une dame en souliers noirs attaque sa chevelure aux ciseaux et qu’une autre lui déchire sa robe blanche. Mercredi, c’est tout un groupe de femmes d’âge moyen qui s’acharne sur une jeune fille très mince, lacérant ses habits et la frappant violemment à coups de pied et de poings en lui aboyant dessus. En octobre 2014, une autre victime était traînée à terre entièrement nue à Puyang, deux mois après une scène similaire sur le seuil d’un grand magasin d’électroménager de Yulin. Dans tous les cas, il s’agit de la «vengeance» d’une épouse trompée contre la «maîtresse» présumée de son mari.
Coups de marteau sur la BMW
Hommes de main
Hommes de main
Selon Marylène Lieber, sociologue à l’Université de Genève et auteure de Chinoises au XXIe siècle (1), ce type de violences semble révélateur de plusieurs choses spécifiques à la Chine : «Avec l’enrichissement général de la population, le fait d’avoir une "concubine" est un phénomène de plus en plus courant, un signe extérieur de richesse pour les hommes». Une pratique traditionnellement admise pour les hommes riches dans l'ancienne Chine impériale, où les concubines avaient alors une existence officielle.
Les époux volages ne semblent pas être l’objet du même châtiment, même si, en octobre, une femme trompée s’est acharnée à coups de marteau sur la BMW de son mari, à Shenzhen, expliquant qu’elle avait servi à transporter sa rivale.
Pour la sociologue, ces incidents renseignent sur les inégalités entre les sexes et sur le statut des femmes en général dans la Chine actuelle : «Pour beaucoup de jeunes femmes, être entretenues par un homme est une option acceptable pour permettre de s’assurer sécurité financière et mobilité sociale. Et pour les épouses, cette liaison est un risque de perdre le statut économique lié à leur mariage.» Les femmes, qui peuvent être particulièrement désavantagées en cas de divorce et risquent de se retrouver sans logement, sont poussées à protéger coûte que coûte leur mariage. Souvent bien loin de la logique sentimentale.
L’absence de réaction des passants interroge. Marylène Lieber fait le rapprochement avec les Françaises qui avaient soi-disant trahi leur pays rasées après la fin de l’Occupation : «Ces formes de violences en public servent de réaffirmation des normes de moralité féminine.» Une grande partie de la population chinoise, très conservatrice, supporte mal l’évolution rapide des mœurs, entraînée par le développement économique et l’influence étrangère. Les commentaires postés par les internautes sont d'ailleurs partagés : si certains critiquent le comportement des épouses et des maris, la plupart hurlent avec les louves.
En janvier, après que la photo d’une voiture taguée à Hubei de l’infamante insulte «maîtresse» a été publiée, des internautes avaient lancé la technique éprouvée du «moteur de recherche de chair humaine» pour identifier la conductrice. Une vaste opération de recherche d’informations par un réseau d’internautes qui s’attaque aux personnes accusées d’un comportement immoral et peut avoir des conséquences graves dans la vie réelle.
Pour écarter une rivale, il existe aussi des moyens plus chers et moins visibles. En 2015, un journaliste de Quartz avait enquêté sur les nombreux contrats passés par des épouses auprès d’hommes de main. A partir de 500 euros, un certain Li assurait intimidations et menaces. L’attaque au couteau ou à l’acide était facturée, elle, 16 000 euros. Libération
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