C’est avec une grande amertume teintée de colère que Siaka Fofana alias Chukberry nous parle des Magic System, de ces quatre garçons que sont A’Salfo, Manadja, Tino et Goudé.
«Aujourd’hui, c’est comme s’ils avaient atterri du ciel et que le succès fulgurant qu’ils connaissent est un cadeau que le bon Dieu leur a offert. Alors qu’ils savent pertinemment que c’est faux. Ils ont tout oublié, même celui qui leur a permis de devenir des stars aujourd’hui, préférant effacer leur passé à la gomme, pour ne garder que le reflet de leur succès qui scintille de mille éclats sur la scène internationale», révèle Chukberry.
«Je suis venu vous rencontrer pour que la vérité éclate. Chaque fois que j’accorde une interview à un journaliste de la presse écrite, ce papier ne passe jamais. C’est comme si A’Salfo payait les journalistes pour que cela ne paraisse pas. Je m’appelle Siaka Fofana, je suis engagé dans la marine ivoirienne depuis 32 ans. Dans le show-biz, tout le monde me connait sous le nom de Chukberry. Etant jeune élevé au Collège d’Orientation de Treichville, dans les années 80, j’étais fasciné par les groupes d’ambiance facile qui rythmaient la vie des lycées et collèges de cette époque. C’est ainsi que j’ai créé un premier groupe d’animation à Anoumabo. C’était en 1986. Ce groupe s’appelait Kampala Show. Le groupe tournait à merveille. Mais beaucoup parmi ceux qui étaient avec nous devaient poursuivre leurs études et partaient en voyage en Europe, j’ai alors pris la décision de reconstituer mon groupe. De recruter d’autres talents.
C’est ainsi qu’est arrivée la vague des A’Salfo en 1987 qui comprenait Manadja, Tino, Camso des Marabouts. Je leur ai appris la discipline militaire, comment jouer à la percussion, comment il fallait chanter. Un jour, en 1993, nous sommes allés à Fréquence 2 pour participer à Allocodrome, l’émission de Tonton Bouba. Cette émission était sponsorisée par les bouillons Maggi appelés communément Cube Maggi. Tonton Bouba m’a demandé le nom de mon groupe. J’hésitais, parce que Kampala Show n’était pas trop artistique. Et l’animateur a dit : ‘on va les appeler Magic’ en reconnaissance au sponsor de l’émission qui était Maggi.
Alors, en réfléchissant, le mot System m’est venu dans la tête. Et j’ai dit à Tonton Bouba qu’on va les appeler Magic System. Voici comment est né ce groupe. Quelques mois plus tard, nous sommes invités au stade Robert Champroux de Marcory pour une cérémonie. A’Salfo avait si bien chanté qu’il a ému tout le public. Je lui ai demandé d’enlever sa casquette et de la tendre en faisant le tour des spectateurs dans le but de nous faire un peu d’argent. Lorsqu’ il s’est retrouvé en face de Claude Bassolé, ce dernier a mis 5000 FCFA dans la casquette. Claude lui a demandé de me faire venir pour que l’on puisse discuter.
Lorsque je me suis présenté à lui, il m’a dit qu’il voulait produire mon groupe, mais qu’il ne prendrait seulement que quatre personnes. A cette époque, mon groupe comportait dix personnes. J’ai donné l’assurance à Bassolé que je lui ferais rapidement un retour. Le choix des quatre personnes sur les dix était un dilemme cruel pour moi. Mais il fallait choisir. C’est ainsi que j’ai pris une fillette de huit ans qui a effectué un tirage au sort. J’avais écrit le nom de chacun sur un bout de papier… La petite a tiré 4 noms: A’Salfo, Camso, Tino et un autre membre du groupe.
Manadja ne faisait pas parti des quatre. A’Salfo et Camso sont des chanteurs. Il me fallait garder un chanteur dans mon groupe d’ambiance. J’ai donc retiré Camso et l’autre membre et j’ai intégré Manadja qui est mon cousin. Je suis allé chercher Goudé qui appartenait au groupe musical Les Supers Chocs. Goudé était également vigile dans un vidéo club à Marcory Sicogi. C’est avec ces quatre garçons que je me suis présenté dans le bureau de Claude Bassolé.
Il faut dire que leur premier album a été arrangé par David Tayorault. Qui avait son studio à cette époque à Adjamé, juste à côté du restaurant libanais Chez Hassan, aux 220 logements. Dès que l’album est sorti et qu’il y a eu un petit vent de succès, les enfants ont commencé à se comporter d’une manière bizarre avec moi. Alors qu’avant qu’ils n’entrent en studio, je leur avais fait jurer de ne pas oublier les autres membres du groupe avec qui ils formaient une famille si d’aventure ils connaissaient le succès avec leur premier album.
Mais ils avaient tout oublié. Ils s’étaient fait de nouveaux amis, avaient de nouvelles conquêtes… Ils avaient oublié Camso et tous les autres. Passé le temps du succès, la galère est revenue. Personne ne les regardait. Ils se sont souvenus que Siaka Fofana existait toujours. Un matin, ils m’ont rencontré. Ils m’ont demandé pardon. Qu’ils reconnaissaient leurs erreurs. Ils voulaient une seconde chance. Claude Bassolé ne voulait plus les voir. Et ils m’ont dit qu’il fallait qu’on voie les vieux pour qu’ils aient le succès. J’ai beaucoup réfléchi et j’ai dû les prendre comme mes enfants.
Pouvez-vous jeter votre propre couteau qui vous blesse? J’ai accepté de les aider à nouveau. Nous étions en 1993. C’est ainsi que j’ai fait appel à des imams, des vieux qui se trouvaient à la grande mosquée de Koumassi, je leur ai expliqué ce que je voulais faire pour mes enfants. Les vieux m’ont demandé si j’étais sûr que ces enfants allaient m’aider un jour s’ils réussissaient. J’ai dit : ”oui”. Ils m’ont alors demande de leur donner un mouton blanc. Qu’ils allaient faire des sacrifices avec le mouton et faire des prières avec le Coran. Que le succès viendrait forcement après ce sacrifice. Je suis allé payer le bélier avec mon propre argent, à Port-Bouet. Les vieux ont travaillé. Encore une fois, j’ai fait jurer à A’Salfo, Tino, Goudé et Manadja, mon cousin, de ne pas oublier les autres. Qu’ils devraient les aider à leur tour s’ils avaient le succès. Quelques semaines plus tard, Bassolé que j’ai rencontré est revenu sur sa décision de les produire à nouveau. Le groupe entre à nouveau en studio.
(Après, Bassolé a cédé la production à Angelo Kabila avec sa structure Show Box International créée pour les besoins de la cause. Kabila est donc le producteur de l’album Premier Gaou en 1999, ndlr). Le succès est au rendez-vous quelques mois plus tard. A’Salfo et ses amis oublient leurs promesses. Ils ne m’ont plus fréquenté… Ils ont aussi tourné le dos à leurs amis les Marabouts d’Afrique avec qui ils formaient une famille. Moi, Chuk, j’ ai du mal à croire que j’ai nourri et blanchi ces garçons durant des années avec mon maigre solde de caporal de l’armée ivoirienne. Je leur demande aujourd’hui de respecter leurs promesses. Qu’ils cherchent à me rencontrer pour que l’on discute et qu’ils me présentent leurs excuses. S’ils ne le font pas et que je meurs avant eux, ce sera difficile qu’ils s’en sortent. Et je sais de quoi je parle…», conclut Chukberry.
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